La carrière ciné de Bowie est avant tout marquée par des choix pas toujours avisés, voire totalement incompréhensibles. On sauvera tout de même l’un ou l’autre film.
On le soupçonnait malade depuis plusieurs années, on craignait le pire, on s’était même fait à son absence. Et puis, il était revenu dans l’actualité avec The Next Day sorti en 2013 après 10 ans d’absence. On s’était alors dit : ce n’est pas fini. En effet, deux ans plus tard, il nous offrait Blackstar. Mais, c’était un dernier baroud d’honneur pour mieux nous dire adieu.
Bowie était plutôt doué pour la comédie, lui qui avait étudié le théâtre et le mime. Son nom apparaît, en tant qu’acteur, au générique d’une petite trentaine de films. Alors, que retiendra-t-on de sa carrière sur grand écran ?
Un chef-d’œuvre : Furyo (Merry Christmas Mr Lawrence), de Nagisa Ōshima (1983)
Convaincu par les talents d’acteur de Bowie après l’avoir vu à Broadway dans Elephant Man, Ōshima, l’auteur de L’Empire des sens, lui offre son meilleur rôle au cinéma : celui du major Jack Celliers, un prisonnier britannique livrant un combat sado-masochiste avec un commandant de camp japonais. David Bowie face à Ryūichi Sakamoto, c’est l’Occident face à l’Orient, c’est la plus grande star de la pop britannique face à son homologue asiatique, c’est la fascination jusqu’à l’amour et la répulsion jusqu’au suicide.
Un film pour enfants qu’on a tous vu : Labyrinthe, de Jim Henson (1986)
Un flop au box office et un gros coup de déprime pour son réalisateur Jim Henson, le créateur du Muppet Show. Le film ne gagnera en popularité qu’après ses multiples passages à la télévision. Pourtant, le film, certes très kitch, ne manque pas de qualités : de très bons morceaux musicaux (Magic Dance – la danse des goblins), la présence de la magnifique Jennifer Connelly (découverte dans Il était une fois en Amérique deux ans plus tôt), les sympathiques créatures de Jim Henson (Ludo, Sir Didymus) et un final en forme d’hommage aux dessins d’Escher. Bon, j’avoue, la bosse de la bite de Bowie moulée dans son collant est assez perturbante.
Deux films cultes pas si bons : L’homme qui venait d’ailleurs, de Nicolas Roeg (1976) et Les Prédateurs, de Tony Scott (1983)
Un extraterrestre, voilà un rôle qui lui va comme un gant au chanteur de Starman ! Le corps maigre, pâle et magnifique, ainsi que le regard absent d’un Bowie sous influence fascinent. Par contre, on s’ennuie copieusement. La B.O. qu’il composa ne sera finalement pas utilisée par Roeg. On peut néanmoins l’entendre sur l’album Low. Le film idéal pour être projeté dans l’arrière-salle d’un bar de hipsters.
L’amour comme source de jeunesse éternelle… La classe et le teint blafard du Thin White Duke lui permettent d’incarner un vampire plus que crédible. Mais malgré le beau casting (Catherine Deneuve, Susan Sarandon), le look ultra new wave et un début hyper-stylisé qui sent bon les années 80, Tony n’est pas Ridley et le film s’épuise sur la longueur.
Une curiosité : Schöner Gigolo, armer Gigolo, de David Hemmings (1978)
Méconnu, ce film ouest-allemand dont la production fut chaotique correspond à la période berlinoise de Bowie. L’histoire dramatico-burlesque d’un ancien officier prussien devenu gigolo pendant l’entre-deux-guerres. Très inégal, C’est mon gigolo (titre français) a parfois des allures de téléfilm tandis qu’à d’autres moments le côté cabaret sur fond de montée du nazisme rappelle Le Tambour de Volker Schlöndorff ou Les Damnés de Visconti. Très bonne direction d’acteurs. Avec aussi Kim Novak, Curd Jürgens et Marlene Dietrich.
Trois rôles « historiques » : Ponce Pilate, Andy Warhol et Nikola Tesla
La Dernière Tentation du Christ, de Martin Scorsese (1988). Il campe le rôle de Ponce Pilate le temps d’une seule scène, suffisant pour taper la causette avec Jésus (Willem Dafoe) avant de le condamner à mort.
Basquiat, de Julian Schnabel (1996). Bowie y singe Warhol. C’est l’une des attractions du film.
Le Prestige, le meilleur film de Christopher Nolan (2006). Un siècle avant Brundle Mouche, Nikola Tesla (Bowie) avait déjà inventé la machine à téléporter. Et déjà à l’époque c’était pas super au point.
Une caméo sympathique : Zoolander, de Ben Stiller (2001)
Bowie dans son propre rôle arbitre le défi-défilé entre Ben Stiller et Owen Wilson. Let’s Dance!
Mais aussi :
La comédie musicale Absolute Begginers de Julien Temple (1986) : pas très intéressant.
Une mauvaise comédie de hold-up qui coïncide avec sa pire période musicale (celle de Tin Machine) The Linguini Incident, de Richard Shepard (1991) avec Rosanna Arquette. La plus mauvaise prestation du chanteur.
Un petit rôle de tueur à gage moustachu dans le sympathique Série noire pour une nuit blanche, de John Landis (1985) et une apparition (dans tous les sens du terme) dans Twin Peaks, Fire Walk With Me, de David Lynch (1992).
Contrairement à la plupart des médias qui s’exaltent en évoquant les rôles « inoubliables » de Bowie, je ne retiendrai pour ma part qu’un seul film majeur : Merry Christmas Mr Lawrence. Il ne faut pas se laisser aveugler par l’émotion et par une volonté d’idéalisation d’une personnalité que l’on voudrait douée dans tous les domaines. Alors oui, David Bowie était plutôt bon acteur. Oui, il avait un physique fascinant qui remplissait l’écran. Mais non, on ne peut pas écrire qu’il a eu une belle carrière au cinéma. La fibre cinématographique, il vaut mieux la chercher chez son fils – celui qu’on appelait Zowie – Duncan Jones, réalisateur des très bons films s-f Moon et Source Code.
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